Monde du travail, milieux sociaux et inégalités sociales

La nomenclature socioprofessionnelle s’offre une vitrine sur le Web

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4 avril 2023

Il faut vivre avec son temps, dit la célèbre maxime. De nos jours, il est difficile d’exister sans espace numérique propre. Raison pour laquelle la nomenclature PCS (professions et catégories socioprofessionnelles) a récemment inauguré son tout nouveau et tout premier site sur Internet. Un projet partenarial (Insee, CNRS et Université de Versailles-Saint-Quentin) accompagné par des équipes du Cnam pour moderniser cet outil central de description de la société française.

311 professions composent la nomenclature dans 29 catégories socioprofessionnelles d’actifs : du commerçant au technicien, de l’ouvrier au cadre, de l’agriculteur à l’ingénieur, du chef d’entreprise… au religieux consacré !

Salon du travailLa description sociale du monde du travail français remonte à 1954. Cette année-là, à l’occasion du recensement de la population par l’Insee, on a introduit ce qu’on appelait à l’époque le code des catégories socioprofessionnelles, devenu nomenclature PCS à partir de 1982. Une initiative immédiatement couronnée de succès, la nomenclature offrant un nouveau regard de la société française d’après-guerre alors en pleine reconstruction. Cela a permis la diffusion de méthodes statistiques et le développement de la sociologie empirique.  

Depuis sa création, la nomenclature socioprofessionnelle n’a cessé d’être une référence pour un public à la fois large et averti : étudiants, enseignants, journalistes, syndicalistes, statisticiens et chercheurs. Elle reste à ce jour l’outil de référence pour l’analyse du monde du travail, des milieux sociaux et de la stratification sociale en France. Néanmoins, Il fut un temps où son intérêt a décru aux yeux des disciplines qui l’avaient initialement portée (sociologie, économie, statistique publique). Mais de nouveaux usages se sont développés, en particulier en santé, géographie ou sciences politiques.

La dernière rénovation de la nomenclature a eu lieu en 2018/2019 afin de l’adapter aux transformations économiques et sociales (révolution numérique, transition environnementale, etc.) Les consultations effectuées à cette occasion ont rappelé la force du « langage commun » que constitue la nomenclature et l’importance de son caractère modulable, qui permet à la fois des analyses sur le temps long et une grande variété d’usages (production de connaissances, pilotage de l’action et représentation des groupes sociaux).

Qu’est-ce que la société française ? Comment travaille-t-elle ? À quel niveau d’exécution ou de responsabilité ? La nomenclature PCS ainsi en ligne dit tout de ce que nous sommes dans un climat économique et social à la fois contrasté et contesté. Et sur le fil du rasoir ces derniers temps à l’occasion de la réforme des retraites.

3 QUESTIONS À THOMAS AMOSSÉ, CHERCHEUR AU CNAM (LABORATOIRE INTERDISCIPLINAIRE POUR LA SOCIOLOGIE ÉCONOMIQUE et CENTRE D'ÉTUDES DE L'EMPLOI ET DU TRAVAIL), QUI A PRÉSIDÉ LE GROUPE DE RÉNOVATION DE LA NOMENCLATURE ET PILOTÉ LA RÉALISATION DE SON SITE INTERNET

Thomas AmosséQuel constat feriez-vous du monde du travail en France en 2022 ?

On ne peut qu’être frappé par le contraste existant entre, d’une part, les puissantes transformations économiques, technologiques et juridiques affectant les activités de travail et, d’autre part, l’inertie des positions sociales. Les travaux conduits à l’occasion de la rénovation de la nomenclature rendent bien sûr compte du développement et du déclin de certaines professions. Mais ils traduisent également la forte stabilité de leurs positions relatives sur la structure sociale.

On parle régulièrement des inégalités, notamment entre les hommes et les femmes mais pas que : où est-on de ce point de vue ?

Là encore, c’est la permanence qui domine. Il y a certes de plus en plus de professions qualifiées, qui sont exercées par des travailleurs de plus en plus diplômés. Mais les emplois peu qualifiés demeurent en nombre, et continuent d’occuper près d’un actif sur cinq. Les inégalités structurelles se maintiennent ainsi, qu’elles concernent les conditions d’emploi, de travail ou de salaire. De façon transversale, elles différencient toujours les hommes et les femmes, celles-ci peinant encore à accéder aux positions les plus élevées et étant moins bien payées à profession égale.

À quel point l’industrie du numérique a-t-elle chamboulé les codes dans le monde du travail du 21e siècle ?

La révolution numérique modifie en profondeur les activités de travail. Cette révolution crée des opportunités : des gisements d’emploi se développent dans des activités émergentes, qui supposent des compétences nouvelles. Elle s’accompagne aussi de risques en transformant, parfois en déstabilisant, certaines activités traditionnelles. C’est ainsi un enjeu majeur en matière de formation professionnelle, en particulier pour le Cnam, dans sa mission d’accompagnement des travailleurs ou futurs travailleurs, en début comme en cours de carrière.